Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La Reine-mère, durant cette intrigue, eut une telle jalousie de la Reine, qu’elle rompit hautement avec le cardinal, et chassa madame d’Aiguillon et M. de La Meilleraye, qui étoit son capitaine des gardes[1]. La Reine-mère, qui vouloit dominer, et qui avoit fait élever le Roi, à dessein de le rendre incapable de faire son métier lui-même[2], avoit eu peur que la Reine n’eût du pouvoir sur son esprit ; et pour empêcher cette princesse de s’appliquer à gagner l’affection de son mari, elle mit auprès d’elle madame de Chevreuse et madame de La Valette[3], deux aussi folles têtes qu’il y en eut à la cour. La princesse de Conti avoit

    du roi de Phrygie, et lui préfère Arimant, favori du roi de Colchos. Cette allusion à la reine Anne d’Autriche et aux sentiments que le comte de Buckingham avoit osé témoigner ne nous semble pas avoir été indiquée jusqu’à présent.

  1. Il arriva une chose assez bizarre en ce temps-là. Le jour que le cardinal alla à Luxembourg, où la Reine et lui rompirent, le procureur-général Molé, qu’il avoit dessein de faire premier président, n’ayant pas trouvé M. le cardinal chez lui, alla le chercher à Luxembourg. Par malheur le cardinal, descendant par le grand escalier, le vit qui montoit par le petit. Il crut que cet homme venoit offrir son service à la Reine-mère, et il ne s’en désabusa que long-temps après, qu’il le fit premier président. Il fut trompé au jugement qu’il fit de lui et du président Mélian. Ce Mélian, président des enquêtes, avoit plus de réputation qu’il n’en méritoit. Le cardinal le fit procureur-général, et il se trouva que ce n’étoit nullement un habile homme, et au contraire, le procureur-général qui fut premier président, parce qu’il ne passoit pas pour un grand clerc, se trouva plus habile qu’on ne croyoit. (T.)
  2. Elle ne baisa pas une fois le Roi en toute la régence. (T.)
  3. Mademoiselle de Verneuil, sœur de M. de Metz. Cette madame de La Valette étoit fort bien avec la Reine-mère. La Verneuil, sa mère, dit un jour à la Reine : « Madame, mais qu’est-ce que ma fille a donc pour vous plaire ? Cela me surprend, car le feu Roi étoit un fort bon homme, mais il a bien fait les plus sots enfants du monde. » Madame de Verneuil devint si grosse, que Bautru, en l’allant voir, vouloit payer