Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/364

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Le cardinal de Richelieu, dans le dessein qu’il feignoit d’avoir de se réconcilier avec la Reine-mère encore une fois, envoya quérir Vitray[1], aujourd’hui imprimeur du clergé, homme de bon sens et qui faisoit profession d’amitié avec Vaultier, et lui dit qu’il le prioit de porter les paroles de part et d’autre. Vitray lui dit qu’il le prioit de l’en dispenser ; que souvent on sacrifioit de petits compagnons pour apaiser les puissances. « Non, reprit le cardinal, ne craignez rien. — Puisque vous voulez donc, dit Vitray, que j’aie cet honneur, ne me donnez point à deviner ; dites-moi les choses sincèrement. — Allez dire à Vaultier cela et cela, » ajouta le cardinal. Il y eut bien des allées et des venues ; enfin la chose en vint à ce point que le cardinal fit dire à Vaultier, par Vitray, qu’il falloit faire une entrevue chez Vitray même, et que, de peur de trop d’éclat, le Père Joseph iroit au lieu de lui. Vaultier répondit : « C’est un piége ; après, le cardinal ne manquera pas d’avertir la Reine-mère de cette conférence, et de lui dire que j’ai commerce avec lui ou avec ses gens. Je ne saurois, ajouta-t-il, empêcher la Reine d’aller à Compiègne. » Or, le cardinal ne demandoit pas mieux que la Reine fît la sottise d’aller à Compiègne, quoiqu’il fît semblant du contraire, qu’il eût offert toutes choses à Vaultier, et qu’il eût résolu d’aller jusqu’au chapeau de cardinal. Car la Reine-mère vouloit régner, et ne se contentoit pas de donner des charges et bénéfices, et d’avoir autant d’argent qu’elle en vouloit. La princesse de Conti, et par elle toute la maison de

  1. Son nom s’écrit ordinairement Vitré.