Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/385

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Desmarest, après que l’autre fut sorti : « Je vous prie, tirez-lui les vers du nez. » Desmarest l’accoste et lui dit : « Vous en avez tantôt bien donné à garder à Monseigneur. — Pardieu, dit Rossignol, point du tout, je ne lui en ai pas dit la moitié, mais je vous veux tout conter à vous. » Là-dessus, il hable tout son soûl. « Mais il faut, ajouta-t-il, que je vous dise quelques-uns de mes bons mots. Il y avoit un juge qui n’osoit quasi m’approcher ; je l’embrasse, et lui dis en riant : « Souvenez-vous de l’Albergat. » C’étoit un cabaret où ils avoient bu ensemble.

Quand le duc de Lorraine manqua au traité qu’il avoit fait à Saint-Germain avec le Roi, le cardinal, pour consoler Sa Majesté par quelque épargne, car rien ne le consoloit tant, se doutant que dix mille pistoles que le duc avoit reçues étoient encore à Paris, mit le commissaire Coiffier en quête et lui en promit six cents. Coiffier, par hasard, connoissoit un Lorrain qui étoit assez bien avec le duc ; il va chez cet homme, et lui dit : « On veut vous arrêter pour telle chose. » Le Lorrain lui avoue qu’il avoit cet argent : « Eh bien ! donnez-le-moi, et on ne vous arrêtera pas, je vous en donne ma parole. » Le Lorrain le lui donne ; Coiffier le porte au cardinal, et le cardinal au Roi. Les six cents pistoles promises furent payées. Le cardinal tenoit parole ; on le verra en ce que je vais conter. Il y avoit un ingénieur nommé de Meuves, qui, un jour, avoit dit étourdiment : « Il ne faut qu’acheter deux maisons vis-à-vis dans la rue Saint-Honoré, et par-dessous la rue faire une mine et y mettre le feu quand le cardinal passera. » Jugez si cela est fort