Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/427

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

apparemment à ses héritiers et à ses proches[1] ; mais ce n’est pas la première fois qu’il s’est trompé. Il prenoit M. de Chavigny pour le plus grand esprit du monde, et Morand, maître des requêtes, pour le premier homme de la robe. On parlera ailleurs de l’un et de l’autre.

Le Roi ne fut voir le cardinal qu’un peu avant qu’il mourût, et l’ayant trouvé fort mal, en sortit fort gai[2]. Le curé de Saint-Eustache vint pour l’assister. On assure qu’il lui dit qu’il n’avoit d’ennemis que ceux de l’État, et que madame d’Aiguillon étant entrée tout échauffée, et lui ayant dit : « Monsieur, vous ne mourrez point, une sainte fille, une brave Carmélite, en a eu une révélation. — Allez, allez, lui dit-il, ma nièce, il faut se moquer de tout cela, il ne faut croire qu’à l’Évangile. »

On a dit qu’il étoit mort fort constant. Mais Boisrobert dit que les deux dernières années de sa vie, le cardinal étoit devenu tout scrupuleux, et ne vouloit point souffrir le moindre mot à double entente. Il ajoute que le curé de Saint-Eustache, à qui il en avoit parlé, ne lui avoit point dit que le cardinal fût mort si constamment qu’on l’avoit chanté. M. de Chartres (Lescot) a dit plusieurs fois qu’il ne connoissoit pas le

  1. Arnoul, qui travailloit à la marine, dit que le dessein du cardinal de Richelieu étoit d’envoyer le cardinal Mazarin à Rome pour y servir le Roi ; et qu’il lui dit en sa présence : « Monsieur Arnoul, dans combien de temps pouvez-vous apprêter un vaisseau pour passer M. le cardinal Mazarin en Italie ? — Monseigneur, dit Arnoul, il y en aura un de prêt au premier jour. » Le Mazarin alla supplier Arnoul de différer, et cependant le cardinal se porta plus mal. Jamais le Mazarin n’a reconnu ce service. (T.)
  2. Il se fit fermer son cautère, parce que son bras maigrissoit trop. Cela pourroit bien l’avoir tué ; il ne vécut plus guère après. (T.)