Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/43

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trouvé de jaune. « En voilà, dit-il, de toutes les couleurs, il n’y en manque que de celle qu’il me faut aujourd’hui. Ne suis-je pas malheureux ? je ne trouve jamais ce dont j’ai affaire. » Madame de Rambouillet, à qui on avoit fait ce conte, dit qu’apparemment il tenoit cela d’Henri III, dont M. Bertaut, le poète, alors lecteur du Roi, depuis évêque de Seez, contoit une chose toute pareille. « Une après-dîner, disoit-il, que Henri III étoit sur son lit assez chagrin, il regardoit une image de Notre-Dame qui étoit dans des Heures, dont la reliure ne lui plaisoit pas, et il en avoit d’autres, où il la vouloit faire mettre : « Bertaut, me dit-il, comment ferions-nous pour la faire passer dans ces autres Heures ? coupe-la. » Je pris des ciseaux, et invoquai en tremblant l’Adresse et tous ses artifices, mais je ne pus m’empêcher d’y faire quelques dents. « Ah ! dit le Roi, ma pauvre petite image ! ce maladroit l’a toute gâtée ! Ah ! le fâcheux ! Ah ! qui m’a donné cet homme-là ! » Il en dit par où il en savoit. M. de Joyeuse arrive, il lui fait des plaintes de Bertaut, Bertaut n’étoit bon qu’à noyer. Dans ces entrefaites, voilà, ajoutoit M. Bertaut, un ambassadeur qui arrive. « Ah ! l’importun ambassadeur, dit le Roi, il prend toujours si mal son temps. Donnez-moi pourtant mon manteau. » Il va dans la chambre de l’audience. Vous eussiez dit que c’étoit un Dieu, tant il avoit de majesté. » On conclut de là que ce prince étoit merveilleusement mol et efféminé, mais qu’il se surmontoit en quelques rencontres. Il étoit libéral, et faisoit les choses de fort bonne grâce. Ce même M. Bertaut l’alla voir un jour ; mais quoiqu’à son goût il se fût fort paré, le Roi, d’un ton chagrin, lui dit : « Bertaut,