Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/64

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un Dieu, et, après l’avoir fait, il offrit de prouver, par un discours tout contraire, qu’il n’y en avoit point. Cela déplut au Roi, et il fut comme chassé de la cour.

Dans cette misère, une fois que le Roi alloit au bois de Vincennes, il se tint sur le chemin, et comme il vit le carrosse du Roi à portée de sa voix, il se mit à crier : « Sire, ayez pitié du pauvre du Perron ; » et il continua jusqu’à ce qu’il l’eut perdu de vue. Quelques personnes persuadèrent au Roi, comme apparemment c’étoit la vérité, que le pauvre homme n’avoit offert de faire ce discours opposé à l’autre, que pour faire parade de son esprit ; qu’il avoit le fonds bon et qu’il ne péchoit que par emportement. Il suivit le Roi à Tours, et s’adonna, car c’étoit son talent, à lire les livres de controverse. Il fut fait évêque d’Évreux (en 1591), et ce fut lui qui instruisit Henri IV en la religion catholique. On le fit quelque temps après archevêque de Sens, et enfin cardinal (en 1604). Le pape y eut de la répugnance, et disoit : « Non bastava al figlio d’un eretico d’esser vescovo ; vuol ancora esser cardinale. »

À propos du pape, l’archevêque de Reims, Léonor de Valencay[1], dans un Traité de la puissance du pape[2], dit que le cardinal du Perron souffrit qu’on lui donnât un coup de gaule dans la cérémonie de l’absolution de Henri IV, et que ce fut sur la parole qu’on lui donna de l’avancer, comme en effet il fut fait

  1. Léonor d’Estampes-Valencay, évêque de Chartres, transféré à l’archevêché de Reims en 1641. Son Historiette se trouve plus bas.
  2. Il ne paroît pas que Léonor d’Estampes ait publié sur cette matière un traité ex professo ; c’est plutôt dans une déclaration qu’en 1626 il fit conjointement avec l’évêque de Soissons, qu’il aura avancé ce fait. (Voyez la Bibliothèque chartraine de Liron. Paris, 1719, in-4o, pag. 245.)