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LE CONNÉTABLE DE LESDIGUIÈRES.
M. DE CRÉQUI.


François de Bonne, seigneur de Lesdiguières[1], étoit d’une maison noble et ancienne des montagnes du Dauphiné, mais pauvre. Après avoir fait ses études, il se fit recevoir avocat au parlement de Grenoble, et y plaida, dit-on, quelquefois ; mais se sentant appelé à de plus grandes choses, il se retira chez lui, en dessein d’aller à la guerre. Cependant, n’ayant pas autrement de quoi se mettre en équipage, il emprunta une jument à un hôtelier de son village, faisant semblant d’aller voir un de ses parents. Or, cette jument, n’appartenant pas à cet hôtelier, lui fut redemandée, et cela donna sujet à un procès qui, quoique de petite conséquence, dura pourtant si long-temps, comme il n’arrive que trop souvent, qu’avant qu’il fût terminé, M. de Lesdiguières étoit déjà gouverneur du Dauphiné. Un jour donc qu’il passoit à cheval, suivi de ses gardes, dans la place de Grenoble, ce pauvre hôtelier, qui y étoit à la poursuite de son procès, ne put s’empêcher de dire assez haut : « Le diable emporte François de

  1. Le connétable de Lesdiguières, né à Saint-Bonne de Champsaut, le Ier avril 1543, mort à Valence en 1626.