Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/87

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n’avoit point d’enfants, d’en supposer un, afin que la supposition étant découverte, cela donnât lieu de la cloîtrer et de retenir tout son bien. On persuada donc à la maréchale cette supposition, comme elle étoit à une maison des champs, appelée la Tour-d’Aigues. Il se trouva que la fermière étoit grosse, qui consentit volontiers à donner son enfant à la maréchale, pour en faire un grand seigneur. Mais le maréchal donna ordre que celui qui transporteroit cet enfant d’une chambre à l’autre l’étouffât en chemin, sur quoi la véritable mère, reconnoissant sa faute, commença dans sa douleur à s’accuser, et sa maîtresse aussi, de cette supposition. Aussitôt le comte de Saulx survint avec des commissaires qu’on avoit fait tenir tout prêts, et qui, ayant fait leurs informations, emprisonnèrent la maréchale. Ce procès pourtant fut si bien conduit par le conseil et l’adresse de madame la connétable, que ce mari, qui avoit voulu embarrasser sa femme par cette accusation, se trouva presqu’aussi embarrassé qu’elle, et fut obligé de s’accommoder. Après cette belle affaire, il en fit encore une autre. Il fit enlever la connétable, sa belle-mère, et la tint long-temps prisonnière au fort de Barreaux, l’accusant faussement de crime de lèze-majesté et d’avoir intelligence avec le duc de Savoie ; mais le feu roi (Louis XIII) et le cardinal de Richelieu, passant à Lyon, la mirent en liberté.

M. de Créqui ayant été tué en Italie, la maréchale eut sur la fin de ses jours feu M. d’Elbœuf pour galant durant le séjour qu’elle fit à Paris. Après elle alla mourir à Bourg en Bresse, et à l’heure de sa mort elle donna toutes ses pierreries à un gentilhomme du duc pour les lui porter. Elles étoient en assez bonne quan-