Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/9

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rendit un grand service à Henri IV, car ce bon prince alloit faire la plus grande folie qu’on pouvoit faire ; cependant il y étoit tout résolu[1]. On devoit déclarer feu M. le Prince bâtard[2]. M. le comte de Soissons se faisoit cardinal, et on lui donnoit trois cent mille écus de rente en bénéfices. M. le prince de Conti[3] étoit marié alors avec une vieille qui ne pouvoit avoir d’enfants[4]. M. le maréchal de Biron devoit épouser la fille de madame d’Estrées, qui depuis a été madame de Sanzay. M. d’Estrées la devoit avouer ; elle étoit née durant le mariage, mais il y avoit cinq ou six ans que M. d’Estrées[5] n’avoit couché avec sa femme, qui s’en étoit enallée avec le marquis d’Allègre, et qui fut tuée avec lui à Issoire[6], par les habitants qui se soulevèrent,

    pour faire ses parties de plaisir. D’Aubigné est de ceux dont Tallemant parle comme croyant à l’empoisonnement de Gabrielle par Zamet ; il dit qu’après s’être rafraîchie chez lui en mangeant d’un gros citron, ou selon d’autres d’une salade, elle sentit aussitôt un grand feu au gosier, et des tranchées furieuses à l’estomac.

  1. Voyez à ce sujet les Mémoires de M. de Sully, liv. 9. (T.)
  2. Henri de Bourbon, prince de Condé, père du grand Condé.
  3. François de Bourbon, prince de Conti, fils de Louis de Bourbon Condé, premier du nom.
  4. Madame de Montafier, mère de feue madame la comtesse (de Soissons). (T.)
  5. Le premier M. d’Estrées, grand-maître de l’artillerie (mais en ce temps-là ce n’étoit pas officier de la couronne), étoit un brave homme qui fit sa fortune. Il étoit de la frontière de la Picardie ; on l’appeloit La Caussée en picard, pour La Chaussée, et étoit un peu dubiæ nobilitatis. Mais après il se fit appeler d’Estrées, et dit qu’il étoit d’une bonne maison de Flandre. Son fils, par la faveur de madame de Beaufort, fut aussi grand-maître de l’artillerie. J’ai ouï dire que ce premier M. d’Estrées étoit gendarme dans la compagnie d’un M. de Rubempré, et qu’il sauva la vie à son capitaine. On l’appeloit Gran-Jean de La Caussée ; cela servit à sa fortune. (T.)
  6. Le 31 décembre 1593. (Voyez Anselme, tome 4, page 599.)