Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/406

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sur les louanges de la dame jusqu’à faire un éloge en forme. Enfin le gentilhomme, ennuyé de cela, lui dit : « Monsieur, que dirai-je à madame de votre santé ? — Monsieur, répondit-il, dites-lui que je rêve. »

Cette vieille folle, à l’âge de soixante-treize ans, a épousé un jeune garçon appelé le chevalier de La Porte, disant pour ses raisons que c’eût été dommage de laisser mourir d’amour un pauvre garçon qui, apparemment, a encore long-temps à vivre. Lui l’a épousée à cause qu’il avoit été condamné à donner vingt-deux mille livres à une fille qui lui avoit fait un procès pour le faire condamner à l’épouser, et il n’avoit pas un sou pour payer cette dette-là ni les autres. Mais le pauvre chevalier ne fut pas assez fin en cette rencontre, car quoiqu’il tînt le mariage secret, M. d’Avaugour, M. de Goetlo et les filles en eurent avis : c’étoit à Paris où ils étoient tous en procès avec elle, parce qu’elle changeoit tout son bien de nature. Ils obtinrent une permission du lieutenant-civil de sceller chez le chevalier aussi bien que chez la mère.

Aux grandes affaires on passe souvent par-dessus les formes ; l’âge et la conduite de cette femme la rendoient ridicule. Un commissaire se met dans un grenier d’une maison vis-à-vis de celle du chevalier, d’où il voyoit ce qu’on y porta et remua durant deux jours ; après il demanda main-forte et alla mettre son scellé. Le chevalier présenta requête. Sa requête fut reçue ; mais ordonné qu’on feroit description des coffres, et qu’ils seroient mis en dépôt. Le grand-maître y vint avec deux cents chevaux, mais le commissaire avoit déjà fait son devoir. Elle court fortune d’être interdite et le chevalier de n’avoir rien gagné qu’une vieille