Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/408

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Germain, et faisoit profession d’amitié avec lui ; il trouva à propos de lui parler, lui dit qu’il l’excusoit d’être amoureux d’une belle femme, mais qu’il lui feroit plaisir de venir moins souvent chez lui. Saint-Germain s’en trouva quitte à bon marché. Il y venoit moins en apparence, mais il faisoit bien des visites en cachette : c’étoit à Chantocé en Anjou. Le comte savoit tout ; il n’en témoigna pourtant rien jusqu’à ce que, durant un voyage de dix ou douze jours, le galant eût eu la hardiesse de coucher dans le château. Les gens dont la dame et lui se servoient étoient gagnés par le mari. Ayant appris cela, il défendit sa maison à Saint-Germain. Cet homme, au désespoir d’être privé de ses amours, écrit à la belle, et la presse de consentir qu’il la défasse de leur tyran. Les agents gagnés faisoient passer toutes les lettres par les mains du mari qui avoit l’adresse de lever les cachets sans qu’on s’en aperçût. Elle répondit qu’elle ne s’y pouvoit encore résoudre. Il réitère, et lui écrit qu’il mourra de chagrin si elle ne consent à la mort de ce gros pourceau. Elle y consent. Et par une troisième lettre, il lui mande que dans ce jour-là elle sera en liberté ; que le comte va à Angers, et que sur le chemin il lui dressera une embuscade. Le comte retient cette lettre, se garde bien de partir ; et ayant appris que Saint-Germain dînoit en passant dans le bourg de Chantocé, il se résolut de ne pas laisser passer l’occasion. Il lui envoie dire qu’il fera meilleure chère au château qu’au cabaret, et qu’il le prioit de venir dîner avec lui. Le galant, qui ne demandoit qu’à être introduit de nouveau dans la maison, ne se doutant de rien, s’y en va. Il n’avoit pas alors son épée ; il l’avoit ôtée pour dîner ; il oublie de la prendre. Dès