Page:Tamizey de Larroque - Lettre au directeur de l’Echo des Bouches-du-Rhone au sujet d’une souscription.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
Pavillon Peiresc, par Gontaud, 1er juillet 1894.
Monsieur le Directeur,

Quelques déceptions fort pénibles ont été mêlées, pour les organisateurs de la souscription destiné au monument de Peiresc, à de bien douces victoires. Un peu d’ivraie, in felix lolium, dit Virgile, parfois même de trop piquants chardons, lesquels symbolisent les refus désagréables, ont attristé les ramasseurs de gerbes lourdes et dorées.

Mais combien ces petites misères s’oublient devant des traits de générosité comme celui que je viens vous raconter.

Pas plus tard que dans la journée d’hier, j’avais un bon paysan, de ces paysans dont Mme de Sévigné admirait l’âme droite, qui travaillait au jardin dont le pavillon Peiresc est entouré, jardin moins vaste et moins beau que celui de Belgentier, mais où pourtant abondent les arbustes verdoyants et où s’épanouissent sur plus de cinq cents rosiers de magnifiques fleurs de toute nuance et de tout parfum. Quand j’ai voulu payer au brave homme ses heures de travail, il m’a dit avec un cordial sourire : « Monsieur, je vous prie de garder mes quarante sous pour votre monument. J’espère que la souscription d’un pauvre jardinier fera plaisir à celui qui, m’avez-vous dit, aimait tant son jardin. »

On me croira facilement si je déclare que ces quarante sous, offerts de si bon cœur, m’ont fait plus de plaisir que quarante francs donnés par un riche indifférent.