Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/119

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Naturellement, dans ces roches d’origine ignée, aucune trace de vie organique ne peut subsister ; d’ailleurs l’action de leur substance en fusion sur les couches voisines a été d’ordinaire assez puissante pour les transformer, au point que l’on a pu douter si l’origine de ces dernières était aqueuse ou ignée. Au-dessus de ces terrains métamorphiques, on rencontre immédiatement les vestiges de la vie organique, mais dans ces terrains eux-mêmes, nous ignorons si ces vestiges ont toujours été absents ou s’il ont été seulement détruits par des actions auxquelles ils ne pouvaient certainement pas résister.

Si donc la géologie nous offre, dans les couches successivement déposées par les eaux, les feuillets de l’histoire de notre globe, les premiers de ces feuillets ont été entièrement consumés et nous ignorons absolument quel en était le nombre ; quant aux suivants, les plus anciens sont demeurés à peu près illisibles. C’est là, en fait, la conclusion à tirer des beaux travaux de Lyell ; on peut, sans doute, se permettre des déductions plus aventureuses ; mais on se place alors en dehors de tout contrôle scientifique.

Ainsi la paléontologie a pu réunir un ensemble de faits suffisant pour donner une haute probabilité à une évolution de la vie organique à la surface de la terre ; mais elle ne peut montrer le point de départ de cette évolution et les limites qui lui sont rigoureusement assignables, bien loin de s’élargir, semblent se restreindre de plus en plus devant les découvertes récentes. Quant aux spéculations qui étendent l’évolution aux groupements de la matière inorganique, à la formation et à la destruction des astres et des systèmes stellaires, si hardies et si séduisantes qu’elles soient, elles ne peuvent, à aucun degré, être considérées comme démonstratives.

La question soulevée par Anaximandre reste ainsi pendante en réalité, et comme elle offre ce caractère singulier de former un de ces problèmes où les limites de l’inconnaissable et du connaissable ne peuvent être rigoureusement tracées, elle demeure et demeurera bien longtemps encore, sinon toujours, l’objet des préoccupations de la science et de la philosophie.

12. Il me reste à présenter, pour la théorie de l’entropie, la critique spéciale que j’ai annoncée plus haut. Mais comme, en général, cette théorie est loin d’être exactement connue, je suis obligé, tout d’abord, d’en rappeler sommairement les principes.