Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/187

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en raison de son caractère concret, qui la rend tout à fait semblable à une hypothèse scientifique.

Si erronée que puisse être cette conception, il n’en est donc pas moins important de connaître, s’il est possible, quelle réponse au juste faisait Héraclite aux deux questions que nous avons formulées. Mais avant d’aborder la discussion sur ce sujet, il importe de s’orienter d’une façon plus précise pour rechercher les origines des croyances religieuses de l’Éphésien.



III. — L’Influence égyptienne.


5. J’ai parlé des mystères du culte auxquels Héraclite fait allusion. C’est évidemment là qu’il faut chercher la clef du problème nouveau qui se pose devant nous. On sait qu’il y avait en Grèce, pour ces mystères, plusieurs rites qui semblent avoir été essentiellement distincts les uns des autres ; celui dont parle Héraclite (fr. 81) était public ; il s’agit de la procession du phallus, qui faisait partie des cérémonies du culte de Bacchus, telles que les avait instituées, disait-on, Mélampe, fils d’Amythaon. Hérodote (II, 49), après avoir constaté l’identité extérieure de cette procession chez les Égyptiens et chez les Grecs, se pose la question de l’origine de cette coutume et se contente de répondre : « On raconte à ce sujet une légende sacrée. »

Il est impossible de douter que cette légende ne soit celle que donne tout au long Clément d’Alexandrie (Protrept., II, 34), avant de citer le fragment d’Héraclite qui s’y rapporte. Après avoir lu ce passage, on comprendra le silence d’Hérodote :

« Dionysos, désirant traverser l’Hadès, ignorait la route. Prosymnos promit de la lui enseigner, mais non sans une récompense ; une récompense qui n’était point honnête, mais pour Dionysos, elle le fut ; c’était une faveur amoureuse que cette récompense qui lui était demandée. Le dieu voulut bien y consentir, promit de s’y prêter s’il achevait sa route, et confirma sa promesse par un serment. La route enseignée, il part, puis revient, mais ne trouve plus Prosymnos ; il était mort. Alors Dionysos, pour satisfaire les mânes de son amant, s’élance sur le tombeau et remplit le rôle passif (πασχητιᾷ) . C’est avec un rameau d’un figuier voisin, qu’il coupe et façonne en membre viril, que s’asseyant dessus, il s’acquitte de la promesse faite au mort ; et c’est en mémoire de