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POUR L’HISTOIRE DE LA SCIENCE HELLÈNE.

Ainsi, quand on nous dit (Aétius, II, 43 et 17) que, d’après Parménide, les astres sont « feutrés » de feu et qu’ils sont nourris des exhalaisons de la terre, l’influence de la tradition ionienne exercée par l’intermédiaire de Xénophane est assez probable ; mais je ne puis apercevoir d’autres traces de cet intermédiaire.

Au contraire, si Parménide place la terre au centre du monde et qu’il explique son immobilité par le fait de cette situation centrale et l’absence d’un motif qui la ferait tomber d’un côté plutôt que d’un autre (13), nous retrouvons la pure doctrine d’Anaximandre et il est certain cette fois qu’elle ne vient point du poète de Colophon.

On pourra dire que ce point a pu être facilement réinventé en Italie ; mais l’idée que le soleil et la lune se sont détachés (άποκριθῆναι) de la voie lactée (11), celle que le soleil et la voie lactée sont des soupiraux de feu (άναπνοήν, Anaximandre ἐκπνοήν), nous reportent également à la genèse et à la cosmologie du Milesien. Enfin l’hypothèse des couronnes de Parménide me semble aussi directement empruntée aux conceptions d’Anaximandre.


10. Le texte capital relatif à cette hypothèse (11) a en général été assez mal compris. La description, passablement confuse, permet certainement différentes interprétations ; il est clair, en tout cas, que la première question à résoudre concerne la forme des couronnes.

Éd. Zeller, s’appuyant sur la sphéricité de la couche enveloppante qu’Aétius dit solide et qu’il appelle éther, ainsi que sur celle du noyau central (la terre), dit qu’on ne voit guère ce que pourraient être les couches intermédiaires si elles n’étaient des sphères creuses. Je crois au contraire qu’on doit les considérer comme affectant la forme de couronnes cylindriques emboîtées les unes dans les autres.

Cette représentation est exactement celle du mythe d’Er au livre X de la République de Platon, et il ne me semble pas douteux que ce soit au système de Parménide que ce mythe fasse directement allusion. Le fuseau central de la Nécessité l’indique suffisamment ; si la présence des sirènes est une marque de pythagorisme, elle peut seulement signifier soit les relations de Parménide avec l’École, soit plutôt l’origine des déterminations particulières que donne Platon et qui évidemment ne remontent pas à l’Éléate.