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POUR L’HISTOIRE DE LA SCIENCE HELLÈNE.

autour duquel Philolaos faisait circuler la terre et les astres errants. Quelle liaison avait-il avec le feu solaire ? Naturellement invisible pour nous, puisque nous sommes constamment supposés sur l’hémisphère qui lui est opposé, comment n’éclaire-t-il pas au moins suffisamment la lune pour que nous la voyions constamment pleine ?

J’admets que Philolaos se représentait le feu central comme relativement faible, analogue à la voie lactée ; suffisant à cause de sa faible distance pour éclairer et échauffer sans excès la face de l’antichthone dirigée vers lui, il n’avait plus, à la distance de la lune, d’effet sensible en présence de celui du soleil où se concentrait, pour ainsi dire, la plus grande masse du feu cosmique.

Il faut d’ailleurs sans doute supposer, d’après la représentation du mythe d’Er, que la colonne lumineuse rejoignait le feu central et se plongeait dans l’autre hémisphère du cosmos pour se terminer à la voie lactée.

L’ensemble de cette explication me paraît permettre de lever une assez grave difficulté. Tous les textes supposent, dans le système de Philolaos, un dixième mobile en dehors de la terre, de l’antichthone et des sept planètes, tandis que l’essence même du système est l’immobilité de la sphère des fixes avec la révolution de la terre autour du feu central. Or, nous retrouvons ce dixième mobile dans la base de la colonne sur la voie lactée (le premier soleil des textes).

Nous rencontrons également là une explication d’une opinion pythagorienne qu’Aristote nous a conservée en la défigurant, sans doute parce qu’il ne la comprenait pas. Cette opinion est que la voie lactée serait l’orbite du soleil ; il faut entendre le premier soleil de Philolaos, c’est-à-dire la base de la colonne lumineuse. Avec cette explication, la voie lactée serait comme un double canal de feu rejoignant le sommet de la colonne à sa base. Sa bifurcation aurait correspondu à un déplacement mythique de l’orbite. Comme cette dernière opinion semble avoir été professée par Œnopide de Chios, il est possible que Philolaos lui ait emprunté en partie sa théorie en même temps qu’il lui empruntait aussi sa grande année. Cette dernière supposition concorderait avec ce fait que le principe général de cette théorie est indépendant de l’hypothèse du feu central et semble plutôt applicable à la doctrine qui place la terre au centre du monde. Nous aurions également, dans cette origine conjecturale de la théorie de Philolaos, un motif expliquant