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CHAPITRE XIII

EMPÉDOCLE D'AGRIGENTE

I. — Les Milieux fluides.


1. Anaxagore avait, le premier, distingué, sous le nom de noos, la force motrice de la matière. Son langage montre cepen- dant qu'il n'avait pu dégager entièrement des éléments concrets le concept abstrait qu'il avait cherché à former ; il parle en effet du noos comme il eût parlé d'une substance étendue, d'un fluide très subtil actionnant la matière, mais sans d'ailleurs occuper tout l'espace, ni même agir directement sur toutes les particules.

D'après l'exposition courante de la doctrine d'Empédocle, ce dernier aurait accompli le progrès qu'Anaxagore avait laissé inachevé; on oppose en effet, aussi complètement que possible aux quatre éléments matériels admis par l'Agrigentin, les deux forces qu'il personnifie sous les noms d'Amour et de Haine, et on attribue à ces forces un caractère pleinement abstrait. Cette conception est, à la vérité, conforme à l'interprétation de tous les anciens, à commencer par Aristote, quoique celui-ci remarque pointant (Métaph., XII, 10) qu'Empédocle regarde l'amour, par exemple, comme matière, en tant que partie du mélange. Mais, en tout cas, le prétendu caractère d'abstraction se trouve on contra- diction formelle avec le texte parfaitement explicite des vers 7581 qui nous ont été conservés par Simplicius.

Zeller (II, p. 217) remarque bien à ce propos qu'Empédocle traite ces deux forces comme des substances corporelles mêlées aux choses, mais il se contente d'ajouter que l'idée de la force était encore si confuse chez l'Agrigentin qu'il ne la distinguait pas nettement des éléments corporels ; en fait, il le met à cet égard sur le même pied qu'Anaxagore.