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MÉLANGES

qui pensent que les Européens n’ont pas le monopole du bon sens.


LE LIEN COLONIAL


1er septembre 1881.


Certain journal canadien-français[1] de cette ville affecte depuis, quelque temps, un attachement excessif au « lien colonial. » Cet espèce d’engouement pour la « métropole » qui se manifeste tout à coup chez notre confrère, nous agace autant qu’il nous mystifie.

Il faut rendre justice à l’Angleterre, sans doute, mais il faut le faire sans tomber dans le lyrisme, chose déplorable.

Si le Canada français n’a pas été traité comme l’Irlande, il faut se rappeler que c’est une simple question de géographie qui en est la cause. Notre proximité des États-Unis nous a valu bien des « faveurs » que nous aurions vainement demandées à la « sympathie » et à la « générosité » de la fière Albion. N’oublions pas cela. Et n’oublions pas non plus que si nous n’avons pas été absorbés, écrasés, anéantis, ce n’est pas la faute de l’Angleterre. Elle y a travaillé constamment pendant près d’un siècle.

Aujourd’hui, il est vrai, nous jouissions d’une pleine liberté : mais si l’Angleterre nous a rendu justice, c’est en partie parce qu’elle ne pouvait pas, ou qu’elle n’osait pas faire autrement, et en parti aussi parce que nous maltraiter n’était pas une affaire payante.

Tout cela, il me semble, n’exige point, de notre part, une reconnaissance sans borne, encore moins l’aplatissement.

Et ce lien colonial, bien coupable serait celui qui voudrait le briser par des moyens violents ; mais bien naïf serait le journaliste qui prétendrait que ce lien

  1. Le Canadien.