Page:Tardivel et Magnan - Polémique à propos d’enseignement entre M. J.-P. Tardivel et M. C.-J. Magnan, 1894.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 60 —

seulement peut, mais doit veiller à ce que la jeunesse s’instruise, dès le bas âge, des connaissances indispensables à tout citoyen digne de ce nom, à la condition, bien entendu, que ces connaissances soient conformes à la religion et à la morale. C’est une erreur de croire avec Hégel « que la société est le dernier développement de l’être divin », car la venue de Jésus-Christ a changé les rapports extérieurs du pouvoir politique. Avant la Rédemption du genre humain, ce pouvoir se rapportait à la fin naturelle des individus, maintenant il se rapporte à la fin surnaturelle. Mais suit-il de là que la société n’ait plus à remplir le devoir de donner à l’homme la somme légitime de bonheur auquel il a droit même ici-bas ? L’Église ne l’a jamais prétendu, au contraire.

Or, que faut-il aux Canadiens-français pour vivre heureux sur cette terre d’Amérique ? Conserver leur langue et leur foi, propager le culte de leur histoire nationale, apprendre à cultiver avec le plus d’intelligence possible le sol de la patrie, et parvenir un jour à asseoir sur les bords du Saint-Laurent un État français et catholique, véritablement indépendant du reste de ce qu’il est convenu d’appeler la Confédération canadienne. Mais pour arriver à une fin aussi légitime, il faut de toute nécessité que l’État politique intervienne. Et comme le moyen le plus pratique de former le peuple au point de vue civil est l’école primaire, l’école de tous, il n’est donc pas raisonnable de jeter l’État hors de l’école. Il me semble que la théorie contraire : l’Église et l’État dans l’École, l’Église occupant la première place, l’État servant cette dernière, est plus rationnelle et plus conforme aux vues de l’Église.