Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tout le monde retiré, il la fit asseoir, s’étend le long du feu, et de ses ongles noirs et crochus commence à se gratter et à s’étriller la peau avec des contorsions et des grimaces si plaisantes, que la princesse, malgré sa douleur, n’y peut tenir. Elle part tout à coup d’un éclat de rire, et, de l’effort qu’elle fait, l’arête lui vole hors de la bouche. Il la ramasse, court à la porte : « Sire, la voici, la voici. — Vous me rendez la vie, » s’écria le monarque transporté ; et il promit de lui donner en récompense des habits et des robes. Le vilain le remercia. Il ne demandait que la permission de s’en retourner, et prétendit avoir beaucoup à faire dans son ménage. En vain le roi lui proposa de devenir son ami et son médecin, il répondit toujours qu’il était pressé, qu’il n’y avait point de pain chez lui quand il était parti et qu’il lui fallait absolument porter du blé au moulin.

Mais, lorsqu’à un nouveau signal du prince, les deux sergents recommencèrent à jouer du bâton, lorsqu’il sentit les coups, il cria miséricorde et promit de rester non seulement un jour, mais toute sa vie si l’on voulait. On le conduisit alors dans une chambre voisine où, après lui avoir ôté ses haillons, après l’avoir tondu et rasé, on le revêtit d’une belle robe d’écarlate. Il ne s’occupait, pendant tout ce temps, que des moyens de s’échapper, et comptait que, ne pouvant toujours être gardé à vue, il en trouverait bientôt l’occasion.

Cependant la guérison qu’il venait d’opérer avait fait du bruit. À cette nouvelle, plus de quatre-vingts malades de la ville, dans l’espérance du même succès pour eux, étaient venus au château le consulter, et ils avaient prié le monarque de lui dire un mot en leur