Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/46

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plaît, et nous nous réputons heureux d’avoir un tel seigneur. Mais, cher sire, vous savez que les années passent en s’envolant et qu’elles ne reviennent jamais. Quoique vous soyez à la fleur de l’âge, la vieillesse, néanmoins, et la mort dont nul n’est exempt, s’approchent tous les jours. Vos vassaux, qui jamais ne refuseront de vous obéir, vous supplient donc d’agréer qu’ils cherchent pour vous une dame de haute naissance, belle et vertueuse, qui soit digne de devenir votre épouse. Accordez, Sire, cette grâce à vos fidèles sujets, afin que, si votre haute et noble personne éprouvait quelque infortune, dans leur malheur au moins ils ne restassent pas sans seigneur. »

À ce discours, Gauthier attendri répondit affectueusement : « Mes amis, il est vrai, je me plaisais à jouir de cette liberté qu’on goûte dans ma situation et qu’on perd dans le mariage, si j’en crois ceux qui l’ont éprouvé. Toutefois, mes amis, je vous promets de prendre une femme, et j’espère de la bonté de Dieu qu’il me la donnera telle que je pourrai avec elle vivre heureux. Mais je veux aussi auparavant que vous me promettiez une chose, c’est que celle que je choisirai, quelle qu’elle soit, fille de pauvre ou de riche, vous la respectiez et l’honoriez comme votre dame, et qu’il n’y ait aucun de vous dans la suite qui ose blâmer mon choix ou en murmurer. » Les barons et sujets promirent d’observer fidèlement ce que leur avait demandé le marquis leur seigneur. Ils le remercièrent d’avoir déféré à leur requête, et celui-ci prit avec eux jour pour ses noces, ce qui causa par tout le pays de Saluces une joie universelle.

Or, à peu de distance du château, il y avait un village