Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/83

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ai déjà dit qu’il était plein de bonnes qualités. Il alla prendre à l’écurie la meilleure des housses, la coupa en deux, et vint en apporter la moitié au vieillard. « Tout le monde veut donc ma mort ? s’écria l’aïeul en sanglotant. J’avais obtenu ce faible soulagement pour ma misère, et on me l’envie. » Le fils ne put s’empêcher de gronder l’enfant d’avoir outrepassé ses ordres. « Pardon, Sire, répliqua le jouvenceau, mais j’ai soupçonné que vous vouliez faire mourir bientôt votre père, et j’ai voulu seconder votre intention. L’autre moitié de couverture, au reste, ne sera pas perdue, je la garde pour vous la donner quand vous serez devenu vieux. »

Ce reproche si adroit frappa le fils coupable. Il sentit ses torts, et, se prosternant aux pieds de son père en lui demandant pardon, il le fit rentrer dans la maison, lui mit en main tous ses biens, et se conduisit à son égard dans la suite avec le respect et les soins qu’il lui devait.

Retenez bien cette histoire, vous autres pères qui avez les enfants à marier. Soyez plus sages que celui-ci, et n’allez pas comme lui vous jeter en un gouffre dont vous ne pourriez plus sortir. Vos enfants auront pour vous de l’amitié sans doute, et vous devez le croire ; mais le plus sûr cependant est de ne pas vous y fier. Qui s’expose à dépendre des autres s’expose nécessairement à bien des larmes.