Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/115

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les villages arabes. Ces villages posés sur les cimes d’une série de petites montagnes, semblent ainsi appartenir autant au ciel, à l’espace, qu’à la terre. Monsieur m’en fit la remarque, en ajoutant : « Comme il doit faire bon vivre là isolé, presque tout seul, quand on y est acclimaté ! » Bou-Hyahia dit : « Oui, Monsieur, à part la grande chaleur, ces petits monts sont très sains, l’air y est très pur… »

Maintenant, nous marchons dans un étroit chemin sous bois, à l’ombre de grands arbres touffus qui forment voûte, on y trouve une fraîcheur très agréable… Notre guide marche vite, il veut nous faire voir le mausolée d’un Arabe de haute marque, celui qui fut le Saint et le gouverneur de ce pays dans les temps passés.

La nuit est tombée quand nous arrivons au tombeau du marabout, que nous a décrit Bou-Hyahia ; il nous relate tous les miracles faits par ce saint de Mahomet, ce qui intéressa peu mon maître. Il est vrai de dire que leur histoire se ressemble presque toujours et sûrement, d’après tout ce que nous dit notre guide, le plus clair des miracles que fit son fameux Saint, fut de savoir, par sa finesse et sa roublardise, faire sortir de la bourse des pauvres paysans, leurs maigres économies.

Cela révoltait mon maître : « Oui, s’écria-t-il, c’est bien cela, quel que soit le pays et quelle que soit la religion, plus l’on va et plus c’est la même chose ; c’est toujours l’intérêt qui guide tout. Ces religions vous donnent la nausée, mais supprimez-les, on les remplacera par d’autres et on arrivera au même résultat. » Il ajouta : « Vous n’avez pas lu Voltaire, vous, François ? — Non, Monsieur. — Eh bien, ce que nous dit là Bou-Hyahia de son marabout me fait penser à Voltaire. Après qu’il eut bien daubé sur toutes les religions, sur la religion catholique en parti-