Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/14

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La cuisinière me confia que M. de Maupassant avait quelques petites manies ; mais, à part cela, d’après elle, c’est un excellent maître, un bon garçon, un enfant du pays, que tout le monde appelle par son petit nom, et un nageur « comme personne ». Lui, son frère et son cousin Le Poitevin, doublaient l’aiguille du Sud-Ouest à la pleine mer ; ce qui, aller et retour, fait une course de six kilomètres de nage.

Il ne rencontre personne sans dire un bonjour aimable ; il sait les noms de tous. De plus, c’est un homme très instruit, il a déjà publié plusieurs livres ; son éditeur est venu ici cette année et, s’il est venu jusqu’ici, c’est probablement qu’il tient à s’assurer la vente de ce que Monsieur écrit.

La maison était isolée dans le grand Val, sans beaucoup de vue. Dans le jardin se dressait une cabane formée d’une caloge posée sur des piliers de briques et entourée de troènes, c’était la salle de bains ; ce fut aussi ma chambre. Elle me sembla étrange, je ne m’étais jamais figuré qu’on pouvait employer les vieux bateaux pour en faire des habitations ; cependant on n’y était pas mal.

Dans le carré normand, une jolie petite mare contenait des poissons rouges ; dans les champs, tout autour, des choux ; au delà, les côtes grises et tristes. En haut de l’une d’elles, une maison et une cabane en bois, « le hameau de la Nouvelle Calédonie », me dit Désirée, la cuisinière.

Le deuxième jour, vers 7 heures du soir, je prends une lanterne et j’accompagne mon maître à la grille du jardin. Bientôt arrive une voiture. Une dame très enveloppée en descend. Monsieur lui prend la main et nous revenons à la maison, moi marchant à reculons et