Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/19

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me demanda le petit local ! Surprise générale. Mais lui, sans gêne, avait déjà défait ses bretelles et disparu. Un des invités, qui avait voyagé en Espagne, expliqua que dans ce pays il était tout à fait admis qu’on se dérangeât de table…

L’Espagnol revenu, on causa installation… Il voulait un immense appartement, un tapissier très artiste, un marchand de chevaux de premier ordre (ce fut Ménage qui fut choisi). On le renseigna de tous les côtés de la table, et ces dames eurent la vision d’une installation princière.

Le marquis de San Pola buvait comme un trou, Champagne et eau de Seltz ; il avait vidé à lui seul l’appareil de trois litres, qui devait suffire pour tout le monde. Au rôti, il enleva son habit et demanda à prendre un peu d’air ; il vint quelques instants au salon où j’ouvris une fenêtre. Aussitôt, rire général dans la salle à manger.

Quand la glace fut servie, se croyant sans doute déjà dans son appartement, il demanda deux chaises et des coussins et fit un petit somme…

À son réveil, on aborda la question femmes ; il dit qu’il ne manquait plus à son installation qu’une jolie enfant pour le distraire et qu’il lui donnerait tout ce qu’elle voudrait. Alors mes quatre gaillardes minaudèrent à qui mieux mieux ; elles firent des grâces, des effets de buste, c’était à qui décrocherait la timbale.

La petite H…, avec sa bonne figure douce, était sûrement la plus belle, d’une fraîcheur de rose et gracieuse au possible. Aussi l’Espagnol n’hésita guère, il la choisit et, le dîner à peine terminé, l’emmena, en simulant un état d’ébriété exagérée. La porte n’était plus assez large pour les laisser sortir et dans l’escalier, le marquis