Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/191

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qu’il craignait que sa femme ne se fût jetée dans la Seine. Il me demandait si je ne pouvais lui venir en aide pour la rechercher. Sa voix émue disait combien il avait le cœur gros. Je n’oublierai jamais l’impression que me fit la voix de cet homme me suppliant de l’accompagner. Je le voyais désespéré ; aussi je n’hésitai pas, je mis mon caleçon de bain et cinq minutes après, je plongeais à l’endroit où mon ami croyait que sa femme avait disparu. Pendant plus d’une heure, je fouillai en tous sens les fonds du fleuve aux environs de la place indiquée, mais je ne découvris rien. Je lui dis alors que sa femme ne devait pas être dans la Seine ; il semblait en douter, tant il était convaincu qu’elle devait y être.

« Peut-être l’en avait-elle menacé ? Je ne voulais pas être indiscret, mais je tâchai de lui remonter le moral en lui disant que l’oiseau était simplement envolé de la cage, et ne tarderait pas à revenir en regrettant sa fugue. « Le long de cette berge, lui dis-je, par cette nuit claire pleine de douceur, son cœur agité se sera calmé et assagi, se rappelant toute la poésie de ces lieux avec le souvenir de vos bonnes heures passées ensemble et qu’elle ne pourra pas oublier. Soyez sans crainte, elle ne saurait rester longtemps absente ; ne nous faisons donc pas trop de bile, attendons avec patience. »

« Quelques jours après, j’entends la porte de ma petite maison s’ouvrir, je vois entrer mon ami. Il me tendait les deux mains, rayonnant de bonheur. Tout de suite il me dit : « Ma femme est revenue !… je l’aime encore plus qu’avant, si c’est possible. Pendant son absence, elle s’est débarrassée complètement de tous ces parfums exagérés que je n’aime pas. Maintenant, croyez-moi, mon cher ami, de tout son corps et de ses vêtements s’exhale cette bonne odeur fraîche, que je