Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même !… Quand tout le monde fut embarqué et qu’on se fut un peu reconnu, le Saint-Georges jeta des poum, poum impressionnants. C’est qu’il est à vapeur, celui-là. Notre Bel-Ami s’en va, lui, sans faire de bruit, il glisse sur l’eau doucement, aussi gracieux qu’un cygne, ne donnant aucune trépidation, ni odeur de charbon. Enfin, ici, il y a la vapeur, nous allons voir.

La pluie a cessé, ce n’était qu’un fort grain ; le côté de Mantes est déjà bien découvert, il ne reste plus que quelques nuages blancs et lourds qui courent au ciel. Le soleil tombe d’aplomb sur le pont, où ces dames sont venues s’installer, demandant à l’astre d’en haut de se maintenir pour achever de les sécher.

Le Saint-Georges vire ; on passe sous le pont élastique de Triel. Je me retourne, on ne voyait déjà plus notre villa ; on passe Villennes ; à Médan, pas une personne n’a une parole pour M. Zola, devant la maison de qui on défile. Poissy est brûlé. Il marche bien, ce bateau et je le constate avec plaisir, car c’est avec lui que nous devons parcourir la Meuse, de Namur à Rotterdam. Nous arrivons à Herblay ; ici, la campagne n’est pas belle ; le propriétaire du yacht va à terre pour acheter des poulets, afin, dit-il, de corser un peu son dîner, qui lui paraît plus que médiocre en comparaison du déjeuner que Maupassant a offert ; on lui dit qu’à bord ce n’est pas la même chose que chez soi. Mais sa vanité est en jeu, il n’écoute personne, et rapporte deux poulets étiques, nerveux, aux os saillants. Même sans ce supplément inutile, il y avait un dîner très complet et très bon.

Le temps s’est tout à fait remis, le soleil très chaud a fait oublier l’orage, tout le monde est assis à l’arrière sur le pont. On est gai et, de temps à autre, quel-