Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/206

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marins d’Étretat et les baigneurs qui faisaient leur promenade quotidienne sur cette plage restèrent les yeux écarquillés en apercevant un superbe yacht à vapeur, le Bull-Dog, aux couleurs françaises à son grand mât et celles du Club de France à l’arrière.

Des chaloupes furent mises à l’eau pour conduire à terre tout le beau monde qui était à bord. Sous un soleil très doux, par une mer calme, ces barques blanches glissent lentement, avec grâce, à la cadence de leurs rameurs, sur cette nappe verte au fond d’émeraude comme on ne la voit qu’à Étretat. Les petits bateaux chargés de dames aux robes claires, aux chapeaux tout garnis de fleurs, avec des ombrelles de nuances plus jolies les unes que les autres, semblent des jardins flottants, lorsqu’ils s’approchent de terre.

Les pêcheurs et les maîtres baigneurs, gens aimables, vont au-devant pour faciliter le débarquement. Une fois sur les galets, ces dames se rajustent, secouent leurs robes. Tout à coup, elles aperçoivent, non loin d’elles, une file de bonnets blancs qui faisaient des mouvements de va-et-vient continus. Elles s’approchent et ne sont pas peu surprises de voir sur la plage des femmes occupées à laver du linge dans une source qui descend à la mer au milieu de gros cailloux. Un petit âne, attelé à une charrette, est là, au milieu des paquets de linge mouillé. Une de ces dames lui frotte le dos, de son ombrelle ; elle voudrait le caresser, ce vaillant animal qui est seul de son espèce dans le pays. Mais elle ne peut l’approcher à cause des monticules de linge qui l’entourent et elle s’éloigne à regret. Cet ânon avait été offert aux laveuses par un docteur humanitaire, pris de pitié, en voyant le mal qu’avaient ces pauvres femmes à monter sur leur dos, jusqu’au haut des falaises, qui leur