Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/229

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coup final. Alors un grand calme s’établit dans la salle à manger ; la flamme des bougies vacilla sous l’effet de la chaleur et l’on sentit une gêne indéfinissable ; tout le monde semblait mal à son aise.

Cependant peu à peu la conversation reprit. Cette fois, l’on attaqua la question de la mort et de la survie. Évidemment tous ces gens ne tenaient pas beaucoup à ce bas monde, non, mais la crainte de l’au-delà était profonde en eux et cela amena une dissertation à perte de vue sur l’âme !

Bien des hypothèses furent présentées pour démontrer son existence, mais le doute restait la note dominante. L’un des docteurs saisit alors cette occasion de prendre une revanche ; il entreprit de prouver, par une thèse très habilement conçue pour la circonstance, que l’âme était une pure invention, qu’elle n’existait pas.

Un calme absolu succéda à ces négations. Mon maître avait gardé un long silence. Tout à coup, d’une voix très ferme, il dit : « Si j’étais dangereusement malade, et si les personnes qui m’entoureraient en ce moment me présentaient un prêtre, je le recevrais pour leur être agréable ! »

Ces paroles causèrent une telle surprise que les convives semblèrent saisis, effarés. Ils avaient l’air de se demander s’ils avaient bien compris. Quelques dames voulurent approuver mon maître. Les exclamations se croisaient, les protestations avaient peine à se faire jour dans le tumulte général. On voulait faire retirer à mon maître les paroles qu’il avait dites ; quelqu’un alla jusqu’à lui dire : « Je suis certain que cette réception de prêtre ne serait que pour consoler et réconforter l’entourage, toujours à plaindre en pareille circons-