Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/247

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qu’il était très bon pour eux. Comme le disait parfois Bernard, Monsieur est le camarade du bord autant que le capitaine.

Le Splendid-Hôtel est ouvert. Mon maître préfère y descendre provisoirement avant de s’installer tout à fait à bord du Bel-Ami.

Le lendemain matin, vers 7 heures, à sa fenêtre, il regarde la mer et le ciel, puis il me dit : « François, il fait beau, je crois que le temps est sûr, je vais m’habiller, aller prendre ma douche à l’établissement et, à neuf heures et demie, je serai à bord. Arrangez-vous pour faire les provisions de la journée. Nous déjeunerons à bord, et faites votre possible pour être au port à neuf heures afin que nous n’ayons qu’à lever l’ancre dès mon arrivée. »

Il y avait une bonne brise et la sortie fut facile. On tira quelques bordées dans les baies de la Napoule et de Théoule ; on passa en face de la demeure de M. le docteur Magitot, perdue là dans un pli de la montagne, et qu’on aperçoit à peine derrière les reflets sombres d’un épais rideau de sapins.

Monsieur déjeuna, puis ce fut notre tour. Le vent d’Est donnait fort, nous étions à la pointe de l’Estérel, le cap vers la pleine mer. Raymond se tenait à l’avant, à côté du bout-dehors, à l’ombre du grand foc ; Bernard était assis à l’arrière, contre le mât d’artimon. Je me tenais près de lui, pour être hors du mouvement du gui.

Notre maître s’abrite sous son ombrelle blanche fixée au bateau. Il a les deux mains sur la barre et conduit ; cela marche bien, le vent se maintient. « Je crois, dit-il, que nous filons de huit à neuf nœuds. » Bernard répond : « Je le crois aussi. » Mon maître était content,