Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un Chant du départ, mais qui n’avait rien de belliqueux. Raymond nous expliqua que c’étaient des ouvrières qui partaient pour faire la cueillette de la fleur d’oranger à Cogolin, où l’on en fait un très grand commerce. Ce joyeux départ, tout imprévu, mit mon maître d’humeur gaie, et il nous raconta des histoires sur les exodes des Normands qui vont faire la moisson d’un pays à l’autre.


Saint-Raphaël, 11 août 1890. — L’accès de ce port est plus facile que celui de Saint-Tropez, il avance davantage dans la pleine mer. La chaleur est excessive ; aussi, dès qu’il y a un peu de brise, si légère qu’elle soit, elle est toujours la bienvenue et on est plus à même d’en profiter.

Dès le matin, mon maître va faire un tour dans les bois de Boulouris, pour y chercher un peu de fraîcheur. Il passe et repasse par l’avenue ombragée qui relie Saint-Raphaël à Fréjus. À son avis, sur cette promenade, il y a toujours de l’air, quelque soit le temps. Il a baptisé cette route le Zéphir de Fréjus.

Il continue à prendre ses repas à bord, mais pour la nuit, nous avons élu domicile dans un hôtel entouré de pins. Le jardin est en bordure du chemin de halage qui suit la mer ; il n’y a pas de plage à cet endroit ; le jardin, le chemin et l’eau sont à peu près au même niveau. Quand le vent du Sud donne un peu, les pieds des pins qui sont en bordure sont couverts d’eau salée qui ne semble pas leur nuire. Des fenêtres de sa chambre, Monsieur a la vue du large ; à une encablure en mer, on voit de très beaux rochers en porphyre, d’un rouge superbe, qui donnent la silhouette de deux lions semblant, par leur attitude, défier la terre d’avancer vers eux.