Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/285

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être un peu éloigné du centre du bourg ; aussi c’est dans la campagne, chez la veuve d’un médecin, dans une sorte de ferme, que nous prenons un pied-à-terre. Les jours suivants, je partis faire les provisions au village, et je revins par des sentiers qui traversaient des champs d’avoines et de blés dorés ; ils étaient séparés par endroits de grandes parties de trèfle vert, sur lequel semblait étendu un léger tapis incarnat au fond violet très doux. Sur les bords de ce sentier, je trouve des trèfles à quatre, six et huit feuilles, toujours en nombre pair, ce qui porte chance, d’après le dire des gens des champs…

M. de Maupassant, lui, va par la route prendre sa douche, deux fois par jour. Mais ce chemin lui paraît long par sa monotonie ; seuls, quelques rares noyers coupent un peu l’horizon et jettent une note pittoresque dans le ciel d’un bleu foncé. Il y a bien le mont Blanc là-bas, mais il est loin, puis on le laisse à gauche pour aller à Divonne.


Le quatrième jour, à 7 heures du matin, mon maître est déjà prêt ; il part prendre sa douche, je sais qu’il a peu dormi depuis quatre jours que nous sommes ici. Il me dit qu’il entend des choses anormales la nuit, et je suis tout disposé à le croire, puisque, tout éveillé, assis sur une mauvaise chaise qui me fait mal, moi aussi, j’entends des bruits, que je ne peux m’expliquer. J’ai sûrement le système nerveux un peu tendu, mais cela ne m’empêche pas d’avoir tout mon esprit, et nous ignorons l’un comme l’autre ce qu’on appelle ordinairement la peur. Que cette maison soit hantée ou pas, cela nous laisse indifférents, mais tout de même, nous voudrions bien prendre un peu de repos. Enfin, la nuit dernière, puisque nous ne pouvions pas dormir