Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/308

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en considérant surtout la robuste constitution de M. de Maupassant

Quand il se réveilla, à 8 heures, j’étais convaincu que cela irait mieux… Bernard arriva, il fut saisi à la vue de notre malade ; c’est que maintenant il avait pâli d’une manière effrayante. Je tâtai sa main pour voir s’il avait de la fièvre ; mais non, elle était fraîche. Je lui demandai s’il voulait prendre du thé, puisqu’il était l’heure. Il me répondit à peine ; je lui présentai un lait de poule qu’il accepta… À midi, il était toujours dans un état de prostration complète, indifférent à tout ; son calme me faisait peur…


La dépêche arrivée dans la nuit fatale était restée ouverte sur une table ; elle portait comme signature le prénom de la femme néfaste. La parente de mon maître, qui l’avait ouverte et lue, n’y avait rien compris. Mais moi, cette signature m’avait fait tressaillir. Faut-il croire à la fatalité ? À un jeu naturel des circonstances ou à une secrète action de forces hostiles ? Pourquoi les bons souhaits de l’ennemie la plus implacable de l’existence de mon maître sont-ils arrivés au moment précis où sa belle intelligence était menacée ? Mystère.

Toute cette journée et aussi celle qui suivit, mon maître resta accablé.

À 8 heures du soir, il se souleva pour me dire subitement, avec une animation fiévreuse : « François, vous êtes prêt ? Nous partons, la guerre est déclarée. » Je lui répondis que nous ne devrions partir que le lendemain matin. « Comment ! s’écria-t-il, stupéfait de ma résistance, c’est vous qui voulez retarder notre départ, quand il est de la plus grande urgence d’agir au plus