Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/79

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temps qui a tout changé à plaisir dans le jardin. Ce pays du soleil, qu’on dit être le plus beau du monde, semble ne pas vouloir perdre sa réputation.

Ce matin, vers 5 heures et demie, toutes les sonnettes de la maison se sont mises à sonner avec furie, la charpente de toute la partie Nord du chalet se tordait, faisant un bruit effroyable, comme si toute la maison s’effondrait.

D’un bond, je saute hors du lit, j’arrive à l’escalier sans m’être rendu compte de ce qui se passait. J’entends alors Monsieur qui crie de toute la force de ses poumons : « Vite, dehors, c’est un tremblement de terre ! » Mais déjà la première secousse est passée. « Habillons-nous à la hâte, dit-il, et descendons dans le jardin, car d’ici quelques minutes nous allons avoir la contre-secousse. »

Nous étions descendus. Monsieur frappait le sol d’un pied impatient, parce que sa mère et la femme de chambre ne descendaient pas. La seconde secousse eut lieu ; enfin Madame arriva, disant : « Tu sais, mon pauvre enfant, dans un cas pareil, sauve-toi, mais ne t’occupe pas de moi, je t’en prie ; car il m’est impossible de me presser, et puis, tu sais, tous les tremblements de terre du monde me laissent indifférente. »

Nous sommes alors entrés dans la petite maison du jardinier, faite d’un rez-de-chaussée seulement. C’était plus prudent, d’après M. de Maupassant, car il croyait à d’autres secousses. Je fis du feu dans l’âtre et préparai le nécessaire pour le déjeuner. Quand arriva notre laitière, encore tout effarée, sous le coup de la frayeur qu’elle avait eue, et la voix entrecoupée de petits hoquets, elle se mit à geindre : « Oui, Messieurs, je me trouvais en pleine montée de la Badine, quand tout à coup je