Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Alors Mme O… jeta deux « ah ! ah ! » qui sonnèrent très fort dans le salon, rit très haut et sur un ton qu’elle voulait rendre sévère, me dit : « François, vous allez, je vous prie, me dire ce que contient ce panier. » J’essaye encore de défendre la partie, objectant que j’avais des ordres formels de mon maître, et qu’il n’y avait que Madame qui devait connaître le secret du panier.

Mais je ne puis en dire davantage. D’un geste, elle m’arrête : « François, j’attends votre réponse ! » Ceci fut dit doucement, mais avec une autorité telle et d’un ton si imposant que cela me fit l’effet d’un ordre absolu. Alors, tout bredouillant, j’avouai ce que contenait l’envoi. « Eh bien, me demanda-t-elle, que peut-on faire de ces pauvres petites bêtes ? — Je ne sais trop, lui répondis-je. — Enfin, tout de même, reprit-elle, elles doivent bien servir à quelque chose. » Alors je lui dis : « Oui, madame, chez certains restaurateurs on sert les cuisses, préparées à la poulette, et c’est très délicat. — Ah ! bien, bien, voilà ! les cuisses à la poulette… sont un mets très fin… oui, oui… Les cuisses sont la partie intéressante… » Et elle partit d’un grand éclat de rire.

« C’est bien, dit-elle, remerciez M. de Maupassant, et en descendant, dites, je vous prie, François, au valet de pied, qui est de service en bas, de faire atteler tout de suite, je vais porter ces pauvres petites bêtes au lac du Bois de Boulogne, car elles doivent avoir grand’soif. »

De retour à la maison, je racontai ma défaite à mon maître ; il voulut en connaître tous les détails, et rit de bon cœur : « J’étais sûr du dénouement ; je savais qu’elle n’aurait qu’une pensée, leur sauver la vie ! »


Un soir, je suis prévenu que, le 2 juin, M. de Maupassant donnera un dîner. « Nous serons douze, me