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DANTE.

» Pleine de trouble, un jour, j’attendais mon époux,
» Comme sur une tombe, assise sur ma couche ;
» Mes deux mains reposant jointes sur mes genoux.

» Mon corps frissonne encore au souffle qui le touche ;
» Mon front avait pâli sous un ardent regard ;
» Une bouche tremblante avait baisé ma bouche.

» Sur l’anneau de mon doigt tomba mon œil hagard,
» Et l’anneau me parlait comme un reproche vague,
» Et ma vue à l’instant se couvrit d’un brouillard ;

» Mon oreille entendait comme un bruit sourd de vague,
» Je me sentais faillir ; quand je levai les yeux,
» Il était là celui qui me donna la bague !

» Il était là pensif, morne, silencieux,
» Et je lus ma pâleur sur son pâle visage,
» Et l’effroi de mes traits sur ses traits soucieux.

» Je n’osais lui parler : comme un sombre nuage,
» Ses noirs sourcils couvaient un redoutable éclair ;
» J’avais peur qu’un seul mot ne fît crever l’orage.

» Comme en passant les monts, royaume de l’hiver,
» Le pèlerin se hâte et retient son haleine ;
» Car l’avalanche tremble au moindre écho de l’air :

» Tel à son froid aspect, mon cœur battait à peine ;
» Et lui, toujours muet, m’entraîna sur ses pas.
» Le soleil était haut, et déserte la plaine ;