Page:Tastu - Poésies nouvelles, 3ème édition, 1838.djvu/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
284
LE DRAME.

L’autre près du sommet, se perd dans un abîme :
Je les suivais, l’œil fixe et le cœur palpitant,
Et ces mots s’échappaient de mon sein haletant :

» Oh ! quel âpre labeur ! quelle pénible lutte !
» Que le succès est lent, et que prompte est la chute !
» Comment n’ont ils pas peur, ces athlètes nombreux ?
» Sais-tu, pauvre soldat perdu dans la bataille,
» Entre vingt mille noms tombés sous la mitraille,
 » Si le tien sera plus heureux ?

» Que la foule aux cent voix vous honnisse ou vous loue,
» Montez ! qu’elle vous couvre ou de fleurs ou de boue,
» Montez ! Montez toujours ! passez tous vos rivaux,
» Là haut, des couronnés allez grossir le nombre ;
» Puis, comptez si ce peu qu’ils vous ont laissé d’ombre
 » Valait de si rudes travaux !

» Quoi ! des femmes aussi sur ces routes ardentes !
» Hélas ! où courez-vous, compagnes imprudentes,
» Sans abri, sous les feux de ce brûlant soleil ?
» Retournez, retournez ; n’apprenez pas encore
» Combien rapidement sa chaleur décolore
 » Un front délicat et vermeil !

» Avant de vous leurrer de trompeuses amorces,
» Du moins sondez votre âme, et mesurez vos forces.
» Seules, vous gravirez ce pénible chemin !
» On n’y veut que la gloire, on n’y voit que la sienne ;
» Vous n’y trouverez point d’appui qui vous soutienne,
 » D’amis qui vous tendent la main !