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PEAU-D’ÂNE.

Et bannissant un passé qui la tue,
Oublie enfin ce qu’elle avait été.
La pauvre enfant, par un prestige étrange,
En recueillant or, succès et louange,
S’enorgueillit et crut avoir monté.

Elle niait les dons de sa marraine,
Ne voyant plus ses robes qu’en dormant,
Ni sa baguette ; elle trouvait sans peine
Dans la peau d’âne un meilleur talisman.
Pour elle alors point de salon rebelle ;
À deux battans tous s’ouvraient devant elle ;
De son mérite on écoutait le bruit.
Peau-d’Âne enfin était un personnage ;
On la comptait comme une tête sage :
Du rameau d’or c’est là le premier fruit.

Ce n’était plus cette jeune ignorante
Bercée encor dans ses illusions ;
Mais un sens froid, qui jouait à la rente,
Prenait parti dans les élections,
Entreprenait vingt affaires pour une,
Menait de front la gloire et la fortune,
Jusqu’en hauts lieux appuyant son crédit ;
Puis quelquefois se disait, je m’assure,
Vers l’Opéra roulant dans sa voiture :
« Vraiment le siècle est meilleur qu’on ne dit !

Elle a compris que la pensée humaine
N’a de nos jours qu’une traduction,