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TROISIÈME JOURNÉE.

L’âme engourdie, après de longues peines,
Sans les sentir, laisse couler ses jours,
Ainsi Peau-d’Âne, en cette solitude,
Vivait sans joie et sans inquiétude,
Sans regarder derrière ou devant soi.
Ce temps fut court. D’où vient donc qu’à toute heure
Elle soupire, et se lamente, et pleure ?…
C’est qu’elle a vu passer le fils du roi.

Le fils du roi ! Le plus beau de nos songes !
Premier héros de nos premiers romans,
Quand nous rêvons un monde de mensonges,
De bonne fée et de loyaux amans !
Combien de fois ont leurré notre attente
Son manteau court et sa plume flottante,
Et son écharpe, et son beau palefroi !
D’un mal étrange, incurable symptôme,
Nous courons tous de fantôme en fantôme ;
Mais aucun d’eux vaut-il le fils du roi ?

Aux yeux ravis de la beauté qui l’aime,
Le fils du roi ressemble à ce portrait ;
Mais, entre nous, qui le verrait lui-même ,
En chercherait vainement quelque trait.
Le fils fume un cigare, et chasse,
En gants chamois, sur un cheval de race,
Non pour frapper les fiers hôtes des bois
Loups, sangliers, jeux d’une âme intrépide,
Mais pour forcer quelque lièvre timide,
Quelques lapins, mis sans peine aux abois.