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Paris. Toutefois, il faut une salle spéciale pour qu’elle opère, c’est-à-dire une selle où l’on a construit le mur à traverser, sauf à le démolir ensuite.

À Paris, un de ses locaux préférés est situé dans le quatorzième arrondissement. Elle y a donné, une fois, en 1891, sa séance de fluidification. C’est un immeuble admirablement bien placé pour les réunions maçonniques et occultistes ; loges de divers rites, arrière-loges et triangles y ont tour à tour leurs tenues.

Quand vous aurez l’occasion d’aller au cimetière Montparnasse, ressortez-en par le côté sud, et suivez la rue du Champ-d’Asile qui le borde dans toute sa longueur ; ou encore, c’est à quelques pas en entrant dans cette rue par l’avenue du Maine. À droite, des maisons ; à gauche, le mur du cimetière. Dès la nuit venue, cette rue est absolument déserte, surtout dans la partie qui va de l’avenue du Maine à la rue Gassendi : là, pas d’habitations proprement dites, mais surtout des immeubles occupés par des industriels ; la journée de travail terminée, les ouvriers des divers ateliers partis, plus personne : qui s’aventurerait d’ailleurs en un endroit aussi lugubre ?

Entre l’usine d’un constructeur-mécanicien et un immeuble d’angle occupé par un important relieur, vous remarquerez un édifice singulier, de la hauteur totale d’un rez-de-chaussée et d’un entresol ordinaires. De loin, en arrivant par l’avenue, il a tout l’air d’un hall annexé à l’usine du mécanicien, servant de hangar ou de remise aux machines, comme une sorte de garage pour locomotives. Mais approchez, et vous constaterez que cette construction énigmatique est parfaitement distincte de l’usine ; alors, vous vous rendrez compte qu’il y a là quelque chose, on ne sait quoi, qui, vu de l’extérieur, fait l’effet d’une immense salle qui n’aurait point de fenêtres. Il y a tout juste une porte, pour entrer, et, à droite de la porte, une unique fenêtre, dans tout l’immeuble, décèle le logement d’un concierge ; au-dessus, un fenestron, pour la chambre de ce gardien fidèle, aménagée ainsi sous la toiture. Approchez encore, et examinez de près la petite porte d’entrée : vous y verrez, dans les ornements en fer forgé, le triangle, l’équerre, le fil à plomb, le compas, emblèmes maçonniques. En outre, ce qui vous frappera davantage, maintenant que vous voilà observateur, ce qui vous crèvera les yeux, quand vous les promènerez sur cette longue et épaisse muraille en pierre et briques, dépourvue de fenêtres, et ce qui vous donnera à réfléchir, c’est une gigantesque lettre, également en fer forgé, répétée trois fois, s’étalant lourde et massive sur le monument mystérieux : l’S, c’est-à-dire l’initiale de Sophia[1].

Elle peut venir là, en effet, la grande-maîtresse luciférienne, sans être

  1. C’est ce triple S qui sert, aux palladistes parisiens, à désigner le local de la rue du Champ d’Asile ; ainsi, par exemple, parlant entre eux, ils disent : « Tel jour, il y aura une intéressante tenue triangulaire aux trois S. »