Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/77

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II


Quant à toi, Lucifer, astre tombé des cieux,
Splendeur intelligente aux ténèbres jetée,
Ange qui portes haut ta colère indomptée
Et gonfles tous les seins de cris séditieux :

Par toi seul, j’ai connu le mépris oublieux
Du Seigneur et de sa puissance détestée ;
J’ai ressenti, — sceptique et railleur, presque athée, —
Les plaisirs inouïs de l’amour radieux !

Tu m’ouvris l’océan des voluptés profondes,
Dont nul n’a su tarir les délirantes ondes ;
Tu m’appris à goûter le charme de l’Enfer.

On y souffre, il est vrai ; l’on y jouit quand même,
Puisqu’on y peut baver sa bile. — Ô Lucifer,
Mon bourreau de demain, je t’honore, — je t’aime !

Mars 1883.


En vérité, les goètes ne s’expliquent pas aussi clairement, en toutes circonstances. Mais ce ne sont pas, non plus, les documents du genre de celui-là qui offrent le plus grand intérêt à notre étude : on en pourrait reproduire bien d’autres, dans la même note ; mais à quoi bon ?… Ce qui est surtout curieux, ce qui doit arrêter notre attention, c’est la diversité étrange de systèmes mystiques que le démon s’est plu à faire éclore dans le cerveau de tant de malheureux égarés, fondateurs de religions occultes toutes plus insensées les unes que les autres, pauvres fous qui se croient des génies, illuminés qui ne savent à quel artifice recourir pour voiler leur satanisme aux profanes.

Au premier rang, je placerai les swedenborgiens.

Ce que j’ai dit précédemment de Swendenborg suffit pour donner une idée de sa doctrine et de l’influence considérable que ses écrits ont exercée sur le mouvement spirite et occultiste de notre siècle. — N’oublions pas que Swedenborg, franc-maçon, et franc-maçon illuminé, c’est-à-dire diabolisant, est le fondateur (1773) d’un rite maçonnique en huit degrés qui porte son nom et qui est encore pratiqué de nos jours par la Grande Loge de Stockholm et les ateliers suédois et norwégiens de son obédience. — En dehors de cette influence générale qui se fait sentir chez presque tous les partisans de l’occultisme, et surtout chez ceux qui se piquent de n’être, comme Swedenborg, que des interprètes inspirés des Écritures et de la révélation chrétienne, il a donné naissance à des écoles, relevant plus particulièrement de son esprit et de son système, des groupes de disciples ne jurant que par le nom de Swedenborg, et acceptant en lui ce pour quoi il se donnait, le nouveau