Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/331

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Colorado. L’entreprise était extrêmement dangereuse ; mais Pike et ses amis en vinrent à bout, tout de même. Cette montagne fait partie, à la pointe extrême sud, d’une petite chaîne que contourne l’Arkansas, à l’endroit même où la grande rivière reçoit son premier affluent ; elle est prodigieusement escarpée, et son altitude est de 3,935 mètres, c’est-à-dire 875 mètres de moins que le Mont-Blanc (4,810 m.), et 1,050 mètres de plus que le Pic du Midi d’Ossau (2,885 m.), pour parler des sommets des Alpes et des Pyrénées les plus connus du lecteur français.

Du haut de cette montagne du Colorado, placée en belvédère gigantesque du côté de la plaine, de ce sommet vertigineux que le futur chef de la franc-maçonnerie universelle escalade le premier parmi les explorateurs ayant laissé un nom dans l’histoire, l’œil découvre un panorama superbe sur les savanes, la vue s’étend à une distance incalculable. Le jeune Albert donna son nom à cette montagne, et lorsque plus tard la célébrité vint à l’homme, ses compatriotes confirmèrent la dénomination : aujourd’hui, sur toutes les cartes d’Amérique éditées aux États-Unis, ce sommet important des Montagnes Rocheuses est désigné sous le nom de « Mont de Pike ». Quelque jour, peut-être, ce sera un lieu de pèlerinage pour les lucifériens du Nouveau-Monde.

À Fort-Smith, le jeune Albert Pike s’arrêta enfin et se refit maître d’école. Mais la pédagogie ne lui plaisait décidément pas, non plus que le séjour dans une si petite ville. Aussi, dès le milieu de 1833, vient-il s’établir d’une façon plus sérieuse à Little-Rock, capitale de l’état d’Arkansas, qui ne faisait pas encore partie de la confédération des États-Unis.

Là, il reprend ses études, il fait son droit, ouvre un cabinet de consultations, devient avocat ; en même temps, il crée un journal, avec les fonds d’un ami qui professe pour lui le plus bel enthousiasme. Dans ce journal, l’Arkansas-Advocate, il traite les questions les plus diverses : politique, droit, administration. Il y publie le récit de ses aventures, récit que, l’année suivante (1834), un éditeur de Boston met en volume, en l’accompagnant d’une carte descriptive des pays parcourus par l’auteur. Ce n’est pas tout ; Albert Pike est encore poète, et ses premières poésies paraissent d’abord dans son journal.

Dès lors, la popularité lui vient ; sa petite feuille était pour lui une réclame permanente, le faisant connaître en dehors même de la région. Il a de la chaleur dans le discours ; les affaires qui lui sont confiées sont nombreuses. Il a presque exclusivement la clientèle des Indiens, dont il est le conseil lors de la vente de leurs biens au gouvernement fédéral. Ses poésies lui valent l’admiration de ses compatriotes, prompts à s’emballer, comme l’on sait. C’est à Little-Rock qu’il se marie (1834). Élu