Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/736

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le fait du palladiste Georges Shekleton, voici l’hypothèse très admissible que je conçois : Shekleton foudroyé, non par Lucifer, mais par l’émotion éprouvée en touchant l’être surnaturel qu’il croit être le vrai Dieu. Les fanatiques du Palladisme pensent et continueront à penser que Georges Shekleton a été choisi par Lucifer pour aller en sa compagnie au séjour de la félicité éternelle : en cela, leur erreur est manifeste à tous les points de vue ; car, au moment où Satan s’approchait de ce malheureux, si celui-ci, au lieu d’être suffoqué de bonheur, avait eu un retour subit vers la vérité, s’il avait instantanément réfléchi, s’il avait éprouvé une épouvante salutaire, et si, dans une seconde de foi en Dieu miséricordieux et tout-puissant, il l’avait invoqué, accompagnant son invocation d’un signe de croix, non seulement il eût sauvé à la fois son âme et son corps, mais encore il eût vu disparaître l’esprit immonde, vaincu et s’effondrant dans une honteuse défaite.


Il me faut, cependant, — puisque je tiens à être complet, — citer, ne serait-ce qu’à titre de curiosité, quelques-unes de ces légendes qui ont cours, dans lesquelles il y a sans doute un fond de vrai, en ce qui concerne le fait des manifestations diaboliques, mais où la fantaisie populaire, se plaisant à broder, a ajouté cette conclusion, sujette et réserves, du meurtre commis par le démon sur la personne de l’obsédé.

Ces citations, — dont deux seront relatives à des légendes contemporaines, — auront, du reste, une utilité pratique : elles serviront à distinguer les différences, quelquefois infinitésimales, qui existent entre le vrai et le faux en ces questions si délicates. On verra que, toujours, quelque chose de vague reste dans l’esprit, comme flottant, chaque fois qu’il s’agit d’une légende où seulement un point n’est pas en harmonie parfaite avec la doctrine de l’Église ; et c’est là, précisément, par contre, un des signes caractéristiques de l’authenticité des faits du même ordre, mais conformes à l’enseignement des théologiens, que leurs circonstances les plus insignifiantes sont, toujours aussi, d’une minutieuse précision.

Je rappellerai, d’abord, la légende de Faust, puis, celle du soldat de Fontainebleau et celle de la salle de police du fort de Vincennes.

Johann Faust est un nécromancien allemand qui vécut, dit-on, au seizième siècle. Certains auteurs le font naître à Kundlingen, dans le Wurtemberg ; d’autres, à Roda, près de Weimar. Dans sa jeunesse, il gaspilla sottement le riche héritage d’un oncle ; puis, assagi un moment, il se mit à étudier avec ardeur toutes les sciences ; mais cette étude, poussée à l’extrême, devait lui être fatale. Il se prit à regretter l’époque où il avait de l’argent à dépenser sans compter, et, l’alchimie l’ayant conduit à la magie, à l’occultisme, il en arriva à évoquer les mauvais esprits.