Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/785

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Il en est malheureusement ainsi, en ce triste siècle. Après avoir jeté son bandeau perfide sur les yeux des ouailles, le scepticisme médite d’aveugler les pasteurs à leur tour, et déjà la cécité fatale en a atteint quelques-uns.

La mystique, m’écrit-on de diverses parts, devient chez nos séminaristes un côté un peu négligé de leurs études, à côté de leur admirable éducation sacramentelle. De là viendrait le mal, paraît-il.

Naguère encore, un dignitaire ecclésiastique du Sud-Ouest, aussi distingué par sa science que par ses vertus, m’adressait une lettre, dont je détache ce passage :

« Je lis très exactement, monsieur, votre si importante publication. J’en remercie Dieu et je vous en félicite.

« La Révolution, qui a tué tant de choses en France, a tué les hautes études dans le clergé. Nos prêtres ne savent plus la mystique. Beaucoup d’entre eux affectent une incrédulité ridicule, quand on leur parle du diable. Parfois, cette incrédulité est feinte : elle cache alors des pensées ambitieuses. Pour arriver, il faut plaire aux hommes et aux opinions du jour ; et de nos jours il est de toute nécessité de ne pas croire au diable : c’est le seul moyen d’arriver aux honneurs. Et dame ! pour quelques-uns, les honneurs passent avant l’honneur.

« Tout à l’heure, il y a cinq minutes, un ecclésiastique en vue, que j’aime beaucoup, mais qui atout l’air de souffrir de cette maladie qui consiste à nier le mal pour n’avoir pas à le combattre, me disait : « Je ne crois pas à cela. »

« Cette disposition, monsieur, est plus générale que vous pourriez le croire. Aussi voudrais-je vous voir faire un chapitre sur les prêtres qui nient le diable et n’osent pas prononcer son nom. Je vous y aiderai, si vous le désirez ; j’ai à votre disposition des documents importants, et, par ma position, je sais bien des choses… »

Je cite cette lettre pour montrer que je ne m’avance pas à la légère en dénonçant cette déplorable incrédulité qui deviendrait désastreuse pour la religion si elle s’étendait davantage dans le clergé ; les églises seraient bientôt désertes, si nos prêtres perdaient la croyance au surnaturel. Mais, néanmoins, je ne ferai pas ce chapitre ; il n’entre pas dans le cadre de mon ouvrage, qui doit se borner à citer des faits du surnaturel diabolique et à les examiner scientifiquement, tant comme médecin que comme chrétien. Je me contente donc de plaindre ceux qui, ayant mission de prêcher la croyance aux enseignements de l’Église, en rejettent, plus ou moins, pour leur compte, une partie. Et qui sait si ce n’est point pour réveiller la foi, si diminuée en ces temps maudits, que Dieu tolère le déchaînement des hordes infernales auquel nous assistons ? Car c’est au