Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/862

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sommé de dire son nom, répondit par deux fois : « Ennemi-de-Dieu. » Puis, on lui commanda de la laisser au repos, « ce qu’il fit, disent les procès-verbaux, après beaucoup de violences, vexations, hurlements, grincements de dents, dont il y en eut deux de derrière cassées[1]. »

Le lendemain 6 octobre, la sœur Claire de Sazilly, soumise à l’exorcisme, ne fit que rire pendant la cérémonie, et quand on lui demanda le nom du diable qui la possédait, elle répondit : « Zabulon ». « Au cours d’un de ces exorcismes, à cette question : « Au moyen de quel pacte le démon s’est-il introduit dans le monastère ? » la supérieure avait répondu que, le 1er octobre de l’année 1632, étant couchée, et ayant près d’elle, à l’entour de son lit, cinq religieuses, une desquelles faisait la lecture dans un livre spirituel, ayant les deux mains sous la couverture, elle sentit que sa main droite fut prise, ouverte et étendue, puis refermée après que quelque chose eût été mis dedans ; dans le moment elle s’écria : « Mon Dieu ! que m’a-t-on mis dans la main ? » laquelle ayant été présentée ouverte à ses religieuses, elles aperçurent qu’il y avait trois épines d’aubépine… Les religieuses qui les virent ont rapporté qu’elles étaient de la longueur d’une épingle commune et de la grosseur d’une aiguille à coudre en caneux. »

Ces épines furent remises au chanoine Mignon, qui, sur l’avis des principaux religieux de Loudun consultés, décida qu’elles seraient jetées dans le feu par la main de la prieure. Mais le charme n’en fut point rompu pour cela et plusieurs autres religieuses « furent tellement occupées des malins esprits, qu’on entendait continuellement sortir de leurs bouches des blasphèmes, sacrilèges, impiétés et toutes saletés très horribles[2] ».

Le bruit que faisaient les exorcismes dans la ville, et l’excitation de la curiosité publique déterminèrent alors les exorcistes à donner avis de ce qui se passait aux magistrats de la ville. Guillaume de Cerisay, de la Guérinière, bailli du Loudunois, et Louis Chauvet, lieutenant-civil, furent priés de se transporter au couvent des Ursulines, pour y être témoins des prodiges opérés dans la personne des religieuses par les malins esprits.

Les deux magistrats s’y rendirent le 11 octobre 1632. Ils suivirent le chanoine Mignon et entrèrent avec lui dans un dortoir où les deux possédées, la prieure et une sœur laie, étaient couchées, en présence de plusieurs carmes, des autres religieuses de la communauté, et du chirurgien Mannoury.

À leur vue, Jeanne de Belciel « commença à faire des actions et mouvemens fort viollens avecq quelques cris comme petits grondemens d’un

  1. Procès-verbaux de Barré et Mignon. (Bibliothèque Nationale. Manuscrit n° 7818).
  2. Manuscrit de la Bibliothèque de Tours.