Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/115

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quand on lui annonça qu’on lui avait trouvé une fiancée très belle, il dit :

– Eh bien ! je ne suis pas borgne moi non plus… Dans notre famille, on peut le dire, tous les Tsyboûkine sont beaux.

Il y avait tout près de la ville un village nommé Torgoûiévo. Une moitié en avait été réunie récemment à la ville, et là, dans une petite maison à elle, vivait une veuve qui avait une sœur si pauvre qu’elle allait à la journée avec sa fille. On parlait de la beauté de Lîpa même à Torgoûiévo, et, seule, son extrême pauvreté accablait tout le monde. On décidait qu’un homme âgé ou que quelque veuf l’épouserait malgré sa pauvreté, ou la prendrait auprès de lui, « comme ça », et qu’ainsi, par elle, sa mère serait nourrie. Les marieuses la désignèrent à Varvâra, qui partit pour Torgoûiévo. On organisa ensuite une entrevue dans la maison de la tante, avec, comme il convient, des hors-d’œuvre et de l’eau-de-vie. Lîpa, vêtue d’une robe rose, faite exprès pour la circonstance, avait dans les cheveux un ruban ponceau, pareil à une flamme. Elle était maigre, faible et pâle, avec des traits délicats et fins, brunis par le travail au grand air. Un timide et mélancolique sourire ne quittait pas sa figure, et ses yeux regardaient de façon enfantine, avec confiance et curiosité.

Elle était toute jeune, la poitrine à peine marquée,