Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/119

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s’était précipité au buffet. Il y avait à nouveau en lui quelque chose de dégagé, quelque chose d’extrême. Anîssime et son père prirent du thé et mangèrent un peu. Varvâra, tripotant ses roubles neufs, demanda des nouvelles de gens d’Oukléevo qui vivaient à la ville.

– Rien à dire, Dieu merci, ils vont bien, dit Anîssime ; il n’y a que chez Ivan Iégôrov où s’est produit un événement de famille. Sa vieille Sôphia Nikîphorovna est morte de la phtisie. On a fait faire chez un pâtissier, à deux roubles et demi par tête, le dîner pour le repos de son âme. Il y avait du vin de raisins. Quels moujiks sont les gens de chez nous ! Pour eux aussi on avait payé deux roubles et demi ; ils n’ont rien mangé ! Est-ce qu’un moujik comprend les sauces !

– Deux roubles et demi ! fit le vieux hochant la tête.

– Eh quoi ? Là-bas, ce n’est pas un village. Tu entres au restaurant pour manger, tu demandes ceci et cela, il vient du monde, tu bois et tu regardes : il est déjà l’aube et vous avez à payer chacun trois ou quatre roubles. Et quand on est avec Samorôdov, il aime à prendre à la fin du café avec du cognac, et le cognac, s’il te plaît, coûte six griveniks [1] le petit verre.

  1. 60 kopeks (1 fr. 50 de ce temps-là) (N. d. T.).