Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/167

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dormait. Elle s’assit sur l’avancée de la porte et attendit. Son beau-père sortit le premier. Du premier regard il comprit ce qui était arrivé, et longtemps il ne put dire un mot, remuant seulement les lèvres.

– Ah ! Lîpa, lui dit-il, tu n’as pas su garder mon petit-fils.

On réveilla Varvâra. Elle leva les bras, se prit à sangloter et se mit tout de suite à habiller l’enfant.

– C’était un gentil petit… murmura-t-elle, ah la la la la la la !… Elle n’avait qu’un enfant ; elle n’a pas su le garder, la petite sotte !…

On dit une prière des morts le matin et une le soir. Le lendemain, on enterra Nikîphore. Après l’enterrement, les assistants et le clergé mangèrent beaucoup, gloutonnement, comme s’ils n’avaient pas mangé de longtemps. Lîpa servait à table et le prêtre, levant sa fourchette au bout de laquelle était une oronge salée, lui dit :

– Ne vous lamentez pas au sujet du petit ; aux enfants appartient le royaume des cieux.

Ce ne fut que quand ils furent tous partis que Lîpa comprit bien que Nikîphore n’était plus et qu’elle ne le verrait plus. Elle comprit et se mit à sangloter. Elle ne savait dans quelle chambre aller pleurer, car elle sentait qu’après la mort de son enfant elle n’avait plus de place dans cette maison,