Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/187

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avec le poisson ; sa jambe gauche était sans force ; il avait oublié ses caoutchoucs il ne savait où, au tribunal ou au commissariat, et ses pieds étaient glacés.

Cinq jours après, on reconduisit tous les prévenus au tribunal pour le prononcé de la sentence. Avdiéiév entendit qu’il était condamné à la relégation dans le gouvernement de Tobolsk. Et cela non plus ne l’effraya pas, ni ne l’étonna ! Il lui semblait que le procès n’était pas fini, que les choses traînaient encore et qu’il n’y avait pas encore de véritable « décision ». Il attendait en prison, chaque jour, cette « décision ».

Au bout de six mois seulement, quand sa femme et son fils Vassîli vinrent lui dire adieu, quand il reconnut à peine, dans la vieille, maigre et misérablement vêtue qui lui apparut, sa corpulente et majestueuse femme, Elizavêta Trofîmovna ; quand il vit à son fils, au lieu de son vêtement de collégien, un veston de commis, tout usé, et des pantalons de mauvaise toile, il comprit que son sort était réglé et que, quelle que pût être une nouvelle décision, elle ne lui rendrait pas son passé.

Et pour la première fois, depuis le commencement du procès et depuis son emprisonnement, il quitta son air de courroux, et se mit à pleurer amèrement.



Notes