Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/205

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religion, et je commençai à penser sur ce sujet. À mon avis, pour le penseur, il n’y a qu’une religion possible : c’est la religion chrétienne. Si vous ne croyez pas au Christ, vous ne pouvez croire à rien. N’est-ce pas ? Le judaïsme a fait son temps et ne vit encore qu’à cause de certaines particularités du peuple juif. Dès que la civilisation touchera les juifs, il ne restera pas trace du judaïsme. Remarquez-le : tous les jeunes israélites sont athées. Le Nouveau Testament est la continuation naturelle de l’Ancien. N’est-ce pas ?

J’aurais voulu me faire expliquer les causes qui avaient pu amener Alexandre Ivânytch à un pas aussi hardi et aussi sérieux qu’un changement de religion, mais je ne pus jamais tirer de lui que cette affirmation : « Le Nouveau Testament est la continuation naturelle de l’Ancien, » phrase qui n’était manifestement pas de lui, phrase apprise, et qui n’éclairait pas la question. J’eus beau le retourner et ruser, ces causes demeurèrent pour moi obscures. S’il fallait croire, comme il l’assurait, qu’il eût embrassé l’orthodoxie par conviction, il était impossible, par ses paroles, de comprendre en quoi consistait cette conviction, ni sur quoi elle se basait. Supposer qu’il eût changé de religion par intérêt, on ne le pouvait pas non plus. Ses vêtements bon marché et fripés, sa vie aux dépens du monastère, et l’incertitude de son avenir n’annonçaient